À Elvire
À Elvire est un poème d'Alphonse de Lamartine.
Texte du poème
    
- À Elvire
 
- Oui, l'Anio murmure encore
 - Le doux nom de Cynthie aux rochers de Tibur,
 - Vaucluse a retenu le nom chéri de Laure,
 - Et Ferrare au siècle futur
 - Murmurera toujours celui d'Éléonore !
 - Heureuse la beauté que le poète adore !
 - Heureux le nom qu'il a chanté !
 - Toi, qu'en secret son culte honore,
 - Tu peux, tu peux mourir ! dans la postérité
 - Il lègue à ce qu'il aime une éternelle vie,
 - Et l'amante et l'amant sur l'aile du génie
 - Montent, d'un vol égal, à l'immortalité !
 - Ah ! si mon frêle esquif, battu par la tempête,
 - Grâce à des vents plus doux, pouvait surgir au port ?
 - Si des soleils plus beaux se levaient sur ma tête ?
 - Si les pleurs d'une amante, attendrissant le sort,
 - Écartaient de mon front les ombres de la mort ?
 - Peut-être ?..., oui, pardonne, ô maître de la lyre !
 - Peut-être j'oserais, et que n'ose un amant ?
 - Égaler mon audace à l'amour qui m'inspire,
 - Et, dans des chants rivaux célébrant mon délire,
 - De notre amour aussi laisser un monument !
 - Ainsi le voyageur qui dans son court passage
 - Se repose un moment à l'abri du vallon,
 - Sur l'arbre hospitalier dont il goûta l'ombrage
 - Avant que de partir, aime à graver son nom !
 - Vois-tu comme tout change ou meurt dans la nature ?
 - La terre perd ses fruits, les forêts leur parure;
 - Le fleuve perd son onde au vaste sein des mers;
 - Par un souffle des vents la prairie est fanée,
 - Et le char de l'automne, au penchant de l'année,
 - Roule, déjà poussé par la main des hivers !
 - Comme un géant armé d'un glaive inévitable,
 - Atteignant au hasard tous les êtres divers,
 - Le temps avec la mort, d'un vol infatigable
 - Renouvelle en fuyant ce mobile univers !
 - Dans l'éternel oubli tombe ce qu'il moissonne :
 - Tel un rapide été voit tomber sa couronne
 - Dans la corbeille des glaneurs !
 - Tel un pampre jauni voit la féconde automne
 - Livrer ses fruits dorés au char des vendangeurs !
 - Vous tomberez ainsi, courtes fleurs de la vie !
 - Jeunesse, amour, plaisir, fugitive beauté !
 - Beauté, présent d'un jour que le ciel nous envie,
 - Ainsi vous tomberez, si la main du génie
 - Ne vous rend l'immortalité !
 - Vois d'un œil de pitié la vulgaire jeunesse,
 - Brillante de beauté, s'enivrant de plaisir !
 - Quand elle aura tari sa coupe enchanteresse,
 - Que restera-t-il d'elle ? à peine un souvenir :
 - Le tombeau qui l'attend l'engloutit tout entière,
 - Un silence éternel succède à ses amours;
 - Mais les siècles auront passé sur ta poussière,
 - Elvire, et tu vivras toujours !
 
Sources
    
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